Article de recherche

Revue « Techno-tropisme » / Dossier thématique n°1 « Pratiques culturelles et numériques »

La vidéo de spectacle vivant dans le parcours des abonnés de théâtre

Entre outil de médiation et de promotion, les formes d’appropriation.

Océane Guénerie

Résumé

Dans une perspective patrimoniale, le numérique et l’audiovisuel ont permis de repenser la notion d’archivage et de conservation des œuvres du spectacle vivant. De nombreux projets tels que le logiciel Rekall ou encore Spectacles en ligne(s) entendent favoriser de nouveaux usages de la vidéo en amont ou en aval du spectacle vivant : support d’appui pour les régies techniques afin de faciliter la reproduction d’une œuvre, outil promotionnel pour les programmateurs de spectacle, ou encore dispositif de médiation pour les publics. Ce sont autant de manières de convoquer cet outil audiovisuel. Il sera ici question dans un premier temps d’interroger l’usage renouvelé de la vidéo à la frontière de la promotion et de la médiation. L’étude s’appuiera sur les vidéos mises à disposition sur le site internet du Colisée, théâtre de Roubaix, du Théâtre du Nord ou encore du TnBA – Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine. La diffusion de cet outil numérique vient s’articuler avec de nombreux supports déjà existants tels que la traditionnelle brochure de saison, sacrée pour le public ; pouvant selon Serge Chaumier et François Mairesse constituer un réel support de médiation. Ainsi, la profusion de documents intermédiaires pour faciliter l’appropriation du théâtre interroge la place laissée à l’imaginaire et les formes de médiation. De ce fait, à partir d’une typologie des vidéos proposées, on sera amenés à questionner ce support pouvant être pensé comme une passerelle entre l’œuvre et le public, notamment lorsque celle-ci rend compte de la parole du metteur en scène au travers d’une interview. Une différenciation des théâtres sera également nécessaire pour comprendre la logique d’offre dans laquelle s’inscrivent ces vidéos. Enfin, la proposition aura pour finalité de porter un regard sur l’apport de la vidéo aux abonnés de plus de 50 ans. Partant du même constat que Philippe Cibois, sur l’hétérogénéité des abonnés de théâtre, il semblait pertinent d’interroger cette cible à priori captive pour comprendre cette pratique du visionnage de vidéos. Des entretiens ont été menés pour appuyer cette étude et mettre en évidence les instants T où les vidéos sont convoquées durant leur parcours de spectateur avec comme point de départ la prise d’abonnement.

Mots clés : Médiation, spectacle vivant, vidéo, abonnés de théâtre.

Introduction

En 1991, le premier pôle vidéo intégré dans une structure théâtrale en France voit le jour au Théâtre National de Lille, anciennement La Métaphore. Pascal Bouchez y intervient comme réalisateur à la création et va développer plusieurs activités autour de l’exploitation des vidéos de spectacle : création, recherche, archivage et formation. Précurseur, il va réaliser de courts montages avec les captations des spectacles joués, pour les diffuser dans le hall du théâtre sur un grand écran blanc. Cette rétrospective mise à disposition du public au moment de la prise d’abonnement n’est autre que l’origine d’une pratique aujourd’hui renouvelée et développée avec les possibilités qu’offre le numérique. En effet, les teasers de spectacle vivant sont largement diffusés via internet et visibles sur les écrans numériques dans les halls de théâtres. Ils sont notamment utilisés à des fins promotionnelles auprès des programmateurs et des publics.

Alors que de nombreux auteurs tels que Sophie Proust (2017), Sophie Lucet (2017), ont déjà questionné l’utilisation de la vidéo dans les arts de la scène comme instrument d’archivage pour mettre en perspective les notions de mémoires et de traces que cela recouvre, ici, il est davantage question de placer notre regard sur la réception de ce nouveau document audiovisuel de théâtre. Dans un esprit de continuité, il s’agira de s’interroger sur un dispositif précis : le teaser de spectacle vivant, en recueillant la parole des abonnés sur leur appropriation de cet outil de médiation. Les abonnés, public expérimenté sont une cible d’étude pertinente pour dégager les points de convergences et de ruptures de ce dispositif audiovisuel.

Dans l’optique de mener à bien cette recherche, huit abonnés de théâtre âgés de 49 ans à 74 ans ont chacun été soumis à deux entretiens individuels. Le premier pour recueillir leurs paroles sur leurs pratiques d’abonnement et relever les moments où ils sont confrontés au visionnage de teaser, le deuxième pour observer la manière dont ils réceptionnent ces vidéos disponibles sur les sites internet des structures en les regardant ensemble. Ici, le terrain recouvre plusieurs théâtres dont trois particulièrement : Le Colisée, théâtre de Roubaix, le Théâtre du Nord et le TnBA – Théâtre National de Bordeaux. Si les territoires sont multiples, cette différence n’influe pas sur l’étude, le statut des théâtres, lui, est un point qui sera développé par la suite. Dans cet article, il sera ainsi question d’étudier le parcours des spectateurs abonnés en tentant de définir l’abonné afin de dégager le jeu de contrainte dans lequel il évolue. Puis, nous verrons les formes d’appropriation et de médiation du teaser de spectacle vivant pour s’interroger sur les limites de ce dispositif audiovisuel.

Le parcours des spectateurs abonnés

Qu’est ce qu’un abonné de théâtre ?

Les abonnés enquêtés ont tous plus de 50 ans, dont la plupart ont exercé le métier d’enseignant. S’ils ont été choisis au hasard, ils reflètent bien la majorité du public fréquenté par les institutions culturelles. Pour autant, comme le souligne Philippe Cibois en 2003 et 2008, si le public des abonnés semble homogène par sa catégorisation sociale et son niveau d’étude, il n’en est pas moins hétérogène dans ses attentes. Il définit à juste titre trois types d’abonnés : « les adeptes du théâtre total », « les gens du théâtre » et « divertissement assumé et culture ». Nos enquêtés se retrouvent dans cette typologie mais également dans celle qui dissocie les abonnés réguliers, des anciens abonnés et des non-abonnés. Celle-ci est explicitée dans l’écrit : « Les manifestations de la fidélité du spectateur dans le spectacle vivant : quand on aime, on ne discute pas ! ». Cette catégorisation repose sur les comportements des abonnés selon trois indicateurs : la loyauté, la stabilité et la coopération. C’est ce qu’Auriacombe Brigitte détermine comme les manifestations de la fidélité1. Pour autant, la prise d’abonnement ne peut pas être entendue comme une preuve de fidélité. En effet, l’ensemble des abonnés enquêtés ne se limite pas à un unique abonnement dans une seule structure culturelle ; ils en possèdent plusieurs. De plus, deux enquêtés ont mentionné le fait d’avoir interrompu leur abonnement pour y revenir après plusieurs années. Ainsi, si les catégorisations sont multiples, l’abonnement semble être le point clé sur lequel repose la définition d’un abonné.

L’abonnement est considéré comme un contrat passé entre l’abonné et la structure culturelle. Découle de cet accord un ensemble de règles implicites. Tout d’abord, l’abonné doit prendre un minimum de spectacles ; il s’engage à venir. Une obligation que certains enquêtés perçoivent comme une vertu de l’abonnement :

« Je m’abonne parce que je me suis aperçu que sinon… eh ba on n’y va pas. Parce qu’on a toutes les bonnes raisons pour ne pas sortir de chez soi si on n’a pas fait l’effort de prendre l’abonnement. » Bernard

« Parce que, à mon âge, la tentation, si on n’a pas un billet, c’est de se dire  « oh non je reste à la maison » surtout l’hiver. (rire) Donc je prend un abonnement pour m’obliger, enfin m’obliger, c’est une obligation de plaisir. (rire) » Henri

Il est également le reflet d’un lien de confiance établi entre les deux parties ; le degré varie selon l’abonné. Les entretiens ont permis de dégager deux catégories : ceux ayant une confiance aveugle en s’abonnant à la totalité des spectacles et n’allant jusqu’à ne faire aucun choix, et ceux pour qui la programmation se limite à quelques spectacles. Bien entendu, ce nombre varie selon de nombreux critères comme le budget, la situation familiale et professionnelle ou encore le nombre d’abonnements. Comme nous l’avons mentionné, cette entente peut également être rompue lorsque l’abonné n’y trouve plus satisfaction comme Jacques-Michel ou Sophie. Cela ne les empêche pas de revenir par la suite.

Enfin, il ne faut pas oublier la dimension sociale2 de la sortie au théâtre. L’ensemble des abonnés de théâtre enquêtés ont tous mentionné le fait de venir avec son/sa mari/femme et/ou avec des amis. Autant l’abonné peut émettre l’hypothèse d’y aller seul, se sentant presque « comme chez soi », autant il préfère être le plus souvent accompagné afin de pouvoir partager et discuter du spectacle. Il deviendra alors le chef de file et prendra un rôle de prescripteur :

« (…) on est un groupe de copains, je prends des places pour beaucoup de monde. Donc je leur envoie mets trucs, et ils choisissent parmi ce que j’ai choisi moi. Puis, du coup, je prends 3, 4, 5 abonnements, dès fois, et en même temps quoi. » Mathieu

A partir de ça, on peut déterminer une catégorie d’abonnés que l’on appellera « accompagnateurs » puisque leurs choix vont être sensiblement influencés par les abonnés que l’on nommera « leader ». Cette catégorie d’abonnés sera notamment déterminée par sa volonté de s’abonner quelle que soit la programmation :

« (…) sur le groupe de 4, il y en a deux qui ne sont pas sûr, etc moi je dis de toute façon faite ce que vous voulez moi j’y vais. De toute façon le théâtre c’est… c’est une forme un peu spéciale. Pour moi j’ai envie de continuer à voir du théâtre. » Jacques-Michel

Comme nous avons pu le dégager, le public d’abonnés n’est pas uniforme que ce soit dans ses attentes ou dans son comportement. Il ne l’est pas non plus dans ses pratiques.

La stratégie de fidélisation des abonnés : entre avantages et contraintes

Si l’on a évoqué l’engagement des abonnés, les structures culturelles doivent également de leur côté assurer leur part du marché offrant ainsi certains avantages : meilleurs places, coûts réduits… L’ensemble des théâtres étudiés reposent sur le public d’abonnés pour le remplissage des salles. Ainsi, ils tentent de leur accorder une place privilégiée dans la vie du théâtre, et l’un des rendez-vous particuliers est bel et bien la présentation de saison. Cet événement gratuit, destiné aux abonnés, annonce la prochaine saison quasiment en avant-première des spectateurs ponctuels. Ils ne la trouveront que plus tard sur le site internet. Si la manifestation est ouverte à tous, seuls les abonnés reçoivent leur invitation chez eux. La brochure de saison ou encore «la plaquette », « le catalogue », « le programme », reste le premier outil d’information mis à disposition des spectateurs. Éditée pour l’occasion, les abonnés la reçoivent à domicile et lors de cette soirée. Elle devient un support papier indispensable pour la présentation de saison puisque les participants annotent ou cornent les pages des spectacles. Cette manifestation est un tel succès que les théâtres doivent tous les ans faire preuve d’ingéniosité pour satisfaire le plus grand nombre allant jusqu’à augmenter le nombre de soirées ou la rediffuser via des canaux de diffusion (réseaux sociaux, presse). En effet, pour un très grand nombre d’abonnés, cette soirée est essentielle pour choisir les spectacles de leur abonnement comme l’indique Sophie à deux reprises :

« On râle quand il y a plus de place et qu’on appelle. Je crois qu’une fois, il y a eu une rediffusion, à l’extérieur, avec un écran parce que… Après avoir râlé, il y a eu deux séances une année, il y a eu deux jours. Non non parce que c’est archi plein. »

« D’abord c’est important, et puis alors c’est important parce qu’on a le catalogue

à ce moment-là…  »

A l’inverse certains des enquêtés n’y sont pas sensibles notamment puisqu’ils sont indisponibles ce soir-là ou alors puisque ce moment peut être pénible :

« En général, j’assistais à la présentation. Pitoiset (Dominique) a fait quelque chose d’épouvantable, parce que qu’est que ça durait, ça durait, c’était long, c’était lourd enfin moi je tenais pas donc je partais avant la fin. Maintenant je n’y vais plus. » Henri

En effet, la présentation de saison est un exercice difficile pour les directeurs de théâtre, puisqu’il est souvent long de tout présenter. Malgré ça, cette soirée reste incontournable et notamment car elle lance la phase de prise d’abonnement, instant clé pour l’abonné de théâtre qui va devoir choisir les spectacles parmi l’offre proposée par la structure. Ainsi, si nous avons pu, encore une fois, distinguer deux catégories parmi les abonnés : ceux pour qui cet instant est indispensable et ceux qui s’en passe volontier, la présence ou non à cette soirée influe sur la manière dont les abonnés vont choisir les spectacles.

De nombreuses manières de choisir

Les abonnés ont recours à une réelle méthodologie lors de la prise d’abonnement :

« Je prends le programme, je rentre à la maison, je reprends le catalogue et là je le feuillette. Et là, je fais un premier tri par élimination… » Laura

Ce « premier tri » repose sur de nombreux critères similaires à tous les abonnés : le nom connu d’un artiste ou d’un metteur en scène, le thème, le calendrier, les finances. N’est revenu que rarement la notion de « coup de cœur » et ainsi le critère affectif. Pour autant, les choix reposent malgré tout sur l’expérience personnelle de l’abonné, son vécu et ses goûts personnels. Le critère financier est important puisqu’il impose une quantité. Et ceux, parce que tous les abonnés enquêtés ont des abonnements dans plusieurs structures culturelles. De plus, la plupart disent aller dans d’autres établissements de manière ponctuelle. Ainsi, lors de la prise d’abonnement, ils se laissent la liberté au cours de l’année de compléter leur parcours. La question de l’agenda est revenue systématiquement. Les abonnés ont la volonté d’homogénéiser la répartition des sorties au théâtre durant l’année. Ils doivent jongler entre leurs divers abonnements et autres activités. Ils doivent aussi coordonner les calendriers et envies de tout le groupe, puisque comme évoqué précédemment l’abonné ne sort pas seul ainsi, comme l’énonce Gérard, vient un temps de négociation :

« Pour le Théâtre du Nord, quand on a le programme… papier. On fait chacun de notre côté une sélection puis après on croise pour voir ce qui se recoupe et puis on négocie… pour voir si on tient particulièrement à un spectacle ou à un autre. Il y a une sorte de marchandage comme pour toutes nos sorties d’ailleurs. On fait toujours comme ça. » Gérard

L’ensemble des abonnés ont mentionné cette méthodologie pour autant il y a quelques exceptions comme Jacques-Michel, qui est absent à cette période-là :

« Totalement, intégralement j’ai pas réfléchi du tout cette année, à la programmation. J’étais absent et les autres n’avaient pas choisi et quand j’ai vu, quand je suis rentré de vacances qu’ils n’avaient pas choisi j’ai foncé au TnBA puis j’ai pris des trucs comme ça quoi ! »

Au lieu de prendre le temps de choisir, il s’est senti obligé d’y aller dans l’urgence. Or, il a été intéressant de dégager dans les propos des enquêtés la récurrence du champ lexical appartenant à la notion de précipitation lorsqu’ils racontaient la prise d’abonnement : « vite », « course contre la montre », « à toute vitesse », « je me suis dépêché », etc. Cette rapidité est engendrée par la peur de l’abonné de ne pas avoir de bonnes places ou simplement de places, pour certains spectacles rapidement complets. En effet, si l’achat des billets est ouvert en amont aux abonnés par rapport aux individuels et le théâtre s’engage à lui donner les meilleures places possibles, il est dans l’incapacité de satisfaire la totalité lorsque le nombre d’abonnés dépassent la jauge de la salle. C’est d’ailleurs ce qui pousse l’abonné à se déplacer puisque tous les théâtres ne proposent pas le choix des places sur leur site internet. De ce fait, cela contraint l’abonné à être disponible, et responsable des places de tout le groupe, puisqu’il y a souvent un représentant. Cette urgence est aussi créée par le théâtre. Si certains laissent du temps entre la présentation de saison et l’ouverture des abonnements, comme le Colisée, d’autres comme le TnBA le font quasiment simultanément. En effet, les abonnés du TnBA peuvent déjà remplir leur feuille d’abonnement le soir même de la présentation :

«(…) si on veut avoir des places sur certains spectacles, il faut qu’on s’inscrive dès le lendemain, ou le surlendemain. Alors avant, on avait… on se prenait 8/10 jours pour le faire et se retrouver mais là on le fait le soir même. On va au restau et on fait le soir-même, et puis deux d’entre nous qui sont disponibles vont faire la queue le lendemain. » Sophie

Si au contraire, Henri n’assiste pas à la présentation de saison par choix, c’est aussi parce qu’il compte sur son ami :

« J’ai un ami qui a été administrateur du TnBA donc qui est à même pour me conseiller de ce qu’il faut voir ou pas voir. Voilà. »

« Non, j’ai appelé mon ami qui était administrateur, directeur financier du TnBA autrefois et qui a une bonne expérience théâtrale. Et donc il m’a un peu guidé. Donc bon je lui ai fais confiance. »

Ainsi, il ne doit pas ressentir le besoin d’être accompagné dans sa sélection puisqu’il peut déjà se reposer sur une figure d’autorité. Pour autant, il reste libre de faire ses propres choix et mentionne le fait d’avoir choisi un spectacle dont son ami n’était pas sûr.

De ce fait, si être abonné a ses avantages c’est aussi un jeu de contrainte qui s’exerce. L’abonné a besoin d’être accompagné lors de sa prise d’abonnement que ce soit en assistant à la présentation de saison ou en faisant appel à un professionnel du spectacle vivant. Pourtant, il y a peu de place à un temps de médiation entre la présentation de saison et la prise d’abonnement. Si l’équipe des relations avec les publics se rendent disponibles pour orienter et aider dans le choix, peu d’abonnés les interpellent dans le théâtre lorsqu’ils viennent s’abonner. Cela s’explique probablement par une sélection déjà faite.

Les formes d’appropriation et de médiation

Si la définition de la médiation3 est multiple et le rôle du médiateur a beaucoup évolué, il en convient de dire que les instruments de médiation se sont renouvelés avec le numérique. Pour autant, comme on a pu l’évoquer la brochure de saison reste le premier outil mis à disposition des spectateurs. Si pour beaucoup, c’est un objet pratique et informatif, pour Bernard c’est « un livre à conserver ». En effet, la part esthétique et artistique peut parfois prendre le dessus comme la brochure de saison 2017/2018 du Théâtre du Nord. Les textes de présentation des spectacles se sont transformés en une pièce de théâtre. Gérard en était déconcerté puisqu’il ne pouvait pas s’appuyer sur le programme pour faire son choix. Il devait alors chercher par lui-même d’autres outils de médiation. La présentation de saison peut également être considérée à la frontière entre un instant de médiation et de promotion. En effet, avec la présence de quelques artistes et l’utilisation de vidéo, le théâtre met en relation le public avec l’offre de la structure. A cet instant, la structure culturelle tente d’amener, ce que notre enquêté Bernard appelle « un éclairage ». Raison pour laquelle il y assiste même s’il choisit tous les spectacles.

Avec l’évolution de la pratique de visionnage de vidéo les théâtres sont de plus en plus amenés à utiliser cet outil. Cependant, il n’existe pas qu’un genre de vidéo.

Typologie et disponibilité des teasers de spectacle vivant

A partir des vidéos visionnées lors des phases pratiques des entretiens, on a pu noter plusieurs types de vidéos :

– L’extrait de spectacle : il est comme son nom l’indique, une petite partie du spectacle, de fait, il y a très peu de montage vidéo. Ce type de vidéo est possible seulement lorsque le spectacle est créé. (Ex : La Ménagerie de verre

– La vidéo de présentation : cette vidéo présente le spectacle à partir des propos du metteur en scène. (Ex : Tableau d’une exécution)

– La vidéo documentaire : la vidéo est assez longue par rapport aux autres vidéos et elle montre les recherches du metteur en scène. (Ex : Haskell Junction)

– La vidéo bande-annonce : au même titre qu’une BA de cinéma, cette vidéo est construite de manière dynamique avec de la musique et montre plusieurs extraits du spectacle. (Ex : Arlequin poli par l’amour)

Le statut du théâtre influe sur la quantité de vidéos mises à disposition sur le site internet du théâtre. En effet, pour les Centres Dramatiques Nationaux comme le TnBA ou le Théâtre du Nord – qui ont pour mission le soutien à la création – une partie des spectacles programmés ne sont pas encore créés au moment de l’annonce de la nouvelle saison. De ce fait, il n’y a pas de vidéos des créations. Malgré ça, comme on n’a pu le voir dans la typologie des vidéos, d’autres types de vidéos peuvent être diffusés. Ainsi, s’il y en aura moins, quelques rares existent quand même. Il s’est d’ailleurs avéré que les abonnés à un CDN ont moins tendance à regarder de vidéos, et même à connaître leurs existences. En fonction du type de vidéo, l’abonné ne va pas l’appréhender de la même manière.

Le teaser de spectacle vivant seulement à un instant T : la présentation de saison

Il y a une partie des abonnés qui se contente des vidéos diffusées lors de la présentation de saison. Ils vont s’approprier le contenu de la vidéo à l’instant T de la présentation de saison. D’ailleurs, pour les abonnés du Colisée, c’est une attente forte, comme le dit Laura dans son entretien :

« Alors j’ai pensé à une chose, je t’ai dit avant que j’étais pas très… vidéo tout ça mais en fait c’est normal puisque je vais à la présentation exprès pour ça. Et comme il nous montre tous les extraits à la présentation c’est vrai que du coup j’ai pas besoin de retourner les voir encore à la maison. »

Ainsi, le visionnage de teaser de spectacles lors de la présentation de saison est devenu pour elle systématique. A tel point, qu’elle en est presque dépendante, et reste sur sa fin lorsque le présentateur du théâtre après sa présentation, ne diffuse pas une vidéo teaser. Pour elle, la vidéo conduit à l’envie de tout voir. Pourtant, elle ne ressent pas le besoin de voir une vidéo pour être convaincue.

Le teaser de spectacle vivant pour convaincre, s’enrichir ou conforter son choix

Certains abonnés, comme Brigitte ou Bernard, utilisent les vidéos pour convaincre, orienter le choix d’un membre de leur entourage. En effet, la sortie au théâtre a une dimension sociale importante comme nous l’avons évoqué précédemment. D’autres peuvent également, après avoir vu le spectacle, retourner voir des vidéos afin de compléter l’expérience et enrichir leurs connaissances sur l’équipe artistique. Certains vont même lire pour la première fois la brochure ou encore la feuille de salle, afin de rentrer dans une introspective en discutant les supports créés par la structure pour mettre en perspective les propos tenus. Il est vrai qu’il n’existe pas d’espace de paroles pour les spectateurs de théâtre, hormis leur cercle privé. Or, le théâtre se veut un lieu de rencontre notamment avec la présence d’un bar. Enfin, pour Gérard la vidéo peut le conforter mais ne pas participer au choix. Selon, lui le théâtre repose sur le texte donc il fait pareil lors de sa sélection. A l’inverse Mathieu regarde souvent des vidéos pour choisir :

« Ah oui, dès qu’ il y en a une, je la regarde pour voir si ça m’enchante ou… D’ailleurs, l’année dernière je trouvais qu’il n’y avait pas grand-chose. Je n’ai pris que 4 spectacles. Et puis dans l’année, je regardais et il y a des vidéos qui sont arrivées et puis du coup je suis allé en voir 4 de plus. Grâce aux vidéos qui sont venues. »

Il n’a pas la même stratégie que la plupart des abonnés puisqu’il choisit peu de spectacles pour ensuite en rajouter. Il différencie les types de vidéos. Pour son choix, il va préférer les extraits de spectacle tandis qu’après avoir vu le spectacle il va s’intéresser aux vidéos comme celle de Haskell Junction ou Tableau d’une exécution (voir typologie vidéos).

Les réfractaires aux teaser de spectacle vivant

Enfin, il y a ceux qui sont réfractaires aux visionnages de ce dispositif audiovisuel comme notre enquêté Jacques-Michel qui lors de la phase pratique a stoppé toutes les vidéos avant la fin. Il insiste pour rester vierge de toute information avant d’avoir vu le spectacle. Il n’a aucune envie d’être spoiler. Il ne lit même pas la brochure et fait une confiance aveugle à la structure. Ça rejoint notamment sa pratique d’abonnement qui se fait au hasard comme mentionné précédemment. Malgré sa position ferme pour le visionnage de vidéo, lors de la phase pratique, il a quand même noté qu’une vidéo de présentation par le metteur en scène, reste un élément intéressant. Quand à Bernard, il ne s’intéresse pas du tout aux vidéos. Cela rejoint également sa manière de s’abonner puisqu’il prend tous les spectacles. Il ne fait aucun choix.

Sophie n’est pas indisposée aux visionnages seulement elle ne possède pas d’ordinateur. De ce fait, elle accorde une réelle importance à la présentation de saison et ne connaît pas l’existence de ces vidéos. Pour autant lors de la phase pratique elle montre un réel intérêt à cet outil.

Les limites du teaser de spectacle vivant

On a vu que les teasers de spectacle vivant sont de plus en plus utilisés par les théâtres. Ils sont perçus de manière différente selon les abonnés enquêtés. Cependant, les entretiens ont permis de dégager des limites à ce dispositif audiovisuel. Selon Bernard, la vidéo de spectacle vivant se limite à être un outil de communication et n’est pas représentative :

« Ba non, non pas du tout. C’est pas représentatif, c’est un… c’est un outil de communication peut-être mais ça ne peut pas retranscrire ce que l’on ressent quand on est face au… voilà…au théâtre… même si il y a un mur invisible mais ça fait rien. C’est quand même complètement différent. »

Le théâtre est éphémère et vouloir le figer dans le temps au travers d’une captation vidéo pose le souci de la représentativité. D’ailleurs, Pascal Bouchez dans son ouvrage4, s’interroge sur la possibilité ou non de filmer le théâtre. Il y a un lien indissociable entre la scène et le public or celui-ci n’est que rarement représenté dans les teasers de spectacle vivant. Si les outils techniques et numériques ont développé la possibilité de reproduire à l’identique un spectacle d’une salle à l’autre, on ne peut pas enlever le facteur clé de l’humain sur scène qui lui ne peut être répété. De plus, un teaser de spectacle vivant est par nature très court et n’est qu’une petite partie du spectacle. Il n’est pas représentatif de la totalité du spectacle. D’ailleurs, Gérard le mentionne dans son entretien :

« Alors après, ça peut-être trompeur par exemple pour Richard III, parce que l’extrait choisi n’est pas révélateur du spectacle sur l’ensemble donc là…»

En effet, le teaser du spectacle Richard III de Thomas Jolly mis à disposition sur le site du théâtre du Nord ne montrait que la partie musicale du spectacle qui n’est que deux minutes du spectacle sur les 3h. L’extrait choisi n’est pas du tout représentative de la totalité de l’œuvre. Il soulève même la finalité promotionnel de la part de la compagnie. Henri soulève la subjectivité de la vidéo :

« Il y a un caractère subjectif de la vidéo. Ce n’est pas parce que la vidéo ne me plaît pas, que le spectacle ne va pas me plaire. »

Enfin, le teaser peut également créer la confusion et ne pas apporter des informations claires sur le spectacle. En effet, Laura et Brigitte n’ont jamais su quelle était la langue des comédies musicales proposées par le Colisée. Dans le doute, elles n’ont pas pris les spectacles dans leurs abonnements.

Conclusion

Nous avons déterminé l’hétérogénéité du public d’abonnés que ce soit dans ses attentes ou ses pratiques. Il réagit de manière différente aux contraintes exercées par les stratégies des théâtres lors de la prise d’abonnement.

Le laps de temps entre la présentation de saison et l’ouverture des abonnements se réduit en fonction des théâtres provoquant ainsi un climat de pression. La rapidité que s’impose le spectateur, le conduit à devoir décider presque instantanément, diminuant ainsi le temps d’échange et de réflexion. Cet outil technique de médiation qui se place comme intermédiaire entre le public et l’œuvre est limité par ce laps de temps entre la présentation de saison et la prise d’abonnement. Puisque les abonnés seront au théâtre ou connectés sur le site internet dès l’ouverture. Ainsi, la vidéo s’inscrit dans une temporalité restreinte. Une fois l’abonnement réalisé, les abonnés ne reviennent que rarement compléter leur abonnement. Ils en viennent même à oublier rapidement les spectacles choisis se laissant ainsi porter par leur envie de l’instant T de la prise d’abonnement qui se fait souvent au moins de juin. Ainsi, cet oubli leur permet de venir l’esprit quasi-vierge et d’être pleinement surpris par le spectacle. De ce fait, si le teaser pouvait spoiler le spectateur, il est vrai que l’instant entre le choix et le spectacle est assez long pour en oublier le contenu de ce dispositif audiovisuel. Ainsi, les abonnés peuvent laisser une place à leur imaginaire et ne sont que rarement déçu de leur choix.

Le teaser de spectacle vivant est fortement utilisé par les théâtres notamment lors des présentations de saison, il l’est beaucoup moins par les abonnés. Avec la pratique de visionnage de vidéo devenant de plus en plus courante nous pourrions assister à une inversion de la tendance dans quelques années.

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SCOPSI Claire et al., « Les nouveaux territoires de la vidéo », Documentaliste-Sciences de l’Information 2010/4 (Vol. 47), p. 42-53.

1 AURIACOMBE Brigitte et al., « Les manifestations de la fidélité du spectateur dans le spectacle vivant : quand on aime, on ne discute pas ! », Management & Avenir 2005/3 (n° 5), p. 119-132. DOI 10.3917/mav.005.0119

2 PASQUIER Dominique, « Sociabilités et sortie au théâtre », Culture études 2013/1 (n°1), p. 1-12.

3 CHAUMIER Serge, MAIRESSE François, « Le médiation culturelle », Armand Colin, 2013, 2014.

4 BOUCHEZ Pascal, « Filmer l’éphémère. Récrire le théâtre (et Mesguich) en images et en sons, Collection Information-Communication, Presses Universitaires du Septentrion, 2007.

Les abonnés entre attentes et réalité

Après la lecture de divers textes autour des publics du théâtre, j’ai pu réfléchir sur les abonnés que j’avais étudié et comment les textes lus faisaient écho à ma propre recherche. Je n’ai pas enquêté auprès des professionnels du théâtre pour autant mon expérience due notamment à mes nombreux stages dans des théâtres (scène nationale, centre dramatique national, etc.) et les entretiens réalisés m’amènent à penser qu’il y a un décalage entre la vision qu’ont les structures des abonnés et les attentes de ces derniers. Philippe Cibois (2008) dit :

« Ces abonnés sont jugés par les professionnels du théâtre comme étant un public homogène dans ses aspirations et le plus apte à accepter les productions les plus novatrices, voire les plus difficiles. En effet, l’abonnement est considéré comme un contrat de confiance passé entre les responsables d’un lieu de création théâtrale et des spectateurs qui s’engagent à l’avance à voir des spectacles qu’ils ne connaissent pas. Dès lors, on suppose que ce contrat est passé sur la base d’une homogénéité entre la manière de voir le théâtre des abonnés et les conceptions théâtrales qui sont celles du lieu. S’il n’y avait pas ces valeurs communes, les spectateurs ne renouvelleraient pas leur abonnement, et le fait qu’ils le fassent est le signe d’une adhésion en profondeur. »

J’ai déjà mentionné ce contrat qui lie l’abonné à la structure, et dans le fond, je suis d’accord avec les propos ci-dessus pour autant, il semble légitime de nuancer. En effet, dans un premier temps, le degré de confiance n’est pas le même selon les abonnés, on peut le voir entre ceux qui prennent tous les spectacles sans réfléchir et ceux qui parmi l’offre font un choix. De plus, c’est un lien de confiance et une fidélisation qui se travaille au fil des années.

Dans un second temps, c’est un travail plus difficile pour les structures qui proposent des création. Si l’abonné à ce type de structure est présupposé être comme il mentionné précédemment « apte à accepter les productions les plus novatrices », peu importe l’abonné, il choisit en fonction de ses connaissances. Tous les enquêtes ont mentionné en critère de sélection un nom connu de l’abonné, un metteur en scène, un auteur, un artiste… Ainsi, au final, ce qui va servir d’atout aux créations, c’est un nom connu. Soit parce que c’est un des artistes associés au théâtre ainsi, l’abonné connaît bien son travail et il est récurrent dans la programmation du théâtre notamment aussi si l’artiste est « local » ou alors si la pièce repose sur un texte connu. Pour les structures qui ne proposent pas de créations contemporaines, comme le Colisée de Roubaix, ils abordent presque la même stratégie de fidélisation des artistes. Si le Colisée ne possède pas d’artistes associés, l’établissement va malgré tout essayer de faire revenir les artistes et ainsi créer une fidélisation du public qui ont pu être conquis par un précédent spectacle.

Dans un troisième temps, si l’on peut rapprocher nos enquêtés au troisième type (Philippe Cibois 2003), en 2008, l’auteur nuance en rappelant les propos de Bernard Lahire dans La Culture des individus « est le fruit d’un de plusieurs pratiques ». Un abonné dans une structure peut être un spectateur ponctuel dans une autre ainsi, il peut aussi bien apprécier le divertissement que la culture. Il n’a pas à choisir. Son choix de spectacle va aussi être influencé par son métier, ses goûts personnels ou encore une pratique artistique.

Bibliographies :

Philippe Cibois, « Les publics du théâtre contemporain », Communications 2008/2
(n° 83), p. 37-46. DOI 10.3917/commu.083.0037

Philippe Cibois, « Les abonnés du théâtre : un public hétérogène », in Olivier
Donnat, Regards croisés sur les pratiques culturelles, Ministère de la Culture – DEPS
« Questions de culture », 2003 (), p. 169-187.

Patrick Gaboriau et Philippe Gaboriau, « Bernard Lahire, La Culture des individus. Dissonances culturelles et distinction de soi », L’Homme [En ligne], 177-178 | 2006, mis en ligne le 12 avril 2006, consulté le 06 janvier 2017. URL : http://lhomme.revues.org/2313

La présentation de saison

La présentation de saison a lieu chaque année dans les structures culturelles, elle permet d’annoncer aux abonnés la nouvelle saison. Si de manière générale elle a lieu durant le mois de juin, selon les structures culturelles elle peut avoir lieu en mai ou même en septembre. C’est un rendez-vous privilégié pour les abonnés. Le succès est tel que c’est rapidement complet et les structures doivent redoubler d’efforts pour satisfaire le plus grand nombre allant à augmenter le nombre de soirées de présentation ou de plus en plus en la rediffusant soit sur les réseaux sociaux soit via la presse.

Cet instant se veut convivial où chaque directeur/directrice des structures culturelles présentent de manière la plus bref possible l’ensemble de la saison. C’est un exercice difficile et si certains optent pour de la mise en scène d’autres sont plus simples avec juste un Powerpoint comme support. Au cours de cette présentation de plus en plus, les vidéos sont présentes pour convaincre, donner un aperçu.

Lors des entretiens, les abonnés ont tous conforté cette idée que c’était un rendez-vous indispensable pourtant d’autres s’en passent; soit parce qu’ils ne peuvent pas, soit parce que ce moment peut aussi s’avérer fastidieux. En effet, c’est souvent long malgré les efforts des présentateurs. Ce moment est le départ du lancement de saison et va de pair avec l’ouverture d’abonnement. Comme j’ai pu déjà le mentionner dans un précédent article, selon les propos des interviewés, on peut noter que si certains théâtres laissent du temps de réflexion, d’autres cela se réduit à quelques heures. Ce temps court, souvent réduit, place les abonnés dans une situation de précipitation. Or, faire son abonnement demande du temps. En effet, pour aller au théâtre, l’abonné va au minimum à deux, voir +. Ainsi, il faut recouper les choix du groupe et ça se fait selon plusieurs critères : les disponibilités, le budget. Il y a un temps de discussion, de négociation diminué selon le temps qu’il y a. De plus, tout le groupe ne va pas à la présentation de saison, laissant ainsi à celui qui s’est déplacé la liberté de faire un premier tri laissant aux autres le choix dans une programmation réduite. Alors pourquoi ce temps réduit ? C’est souvent en lien soit avec la conception de la brochure – celle-ci est souvent éditée pour l’occasion -, soit la date de présentation – si le jour est très proche des vacances d’été alors la structure laisse moins de temps puisqu’il faut ensuite pouvoir traiter les souhaits de chaque abonné – mais aussi la capacité du théâtre à traiter tous ces abonnements. Les abonnés se précipitent aussi par peur de ne pas avoir de place sur un spectacle ou pour être bien placé, c’est la rançon du succès.

En conclusion, c’est un instant complexe autant pour les abonnés que pour les structures. C’est également l’instant où il y a une forte utilisation de la vidéo comme les teasers, c’est de plus en plus courant que certains abonnés en viennent à attendre l’extrait. Mais parfois, le spectacle n’étant pas créé, il n’y en a pas. Les présentateurs laissent souvent alors la parole aux artistes.

 

 

 

Qu’est ce qu’un abonné de théâtre ?

Grâce aux entretiens que j’ai pu réaliser, j’ai pu relever plusieurs critères qui déterminent un abonné de théâtre. C’est une personne qui se lie à une structure culturelle en prenant un abonnement. Cet abonnement est comme un contrat où un lien de confiance est établi entrainant une fidélité de la part de l’abonné. Celui-ci peut être rompu si l’abonné n’y trouve plus son compte, il deviendra alors un spectateur occasionnel. L’abonné d’une structure peut être le spectateur occasionnel d’une autre tout dépend du degré de confiance qu’il a en la structure et surtout de son offre. Plus elle est variée, plus l’abonné a des chances de trouver satisfaction.

Cependant, l’abonné est aussi multiple puisqu’il y a ceux qui prenne le minimum ou le maximum de spectacle, ceux qui se contentent d’une seule structure tandis que d’autres multiplie l’offre en s’abonnant à plusieurs. Chaque abonné a une particularité dans une foule de similitudes.

L’abonné jongle entre diverses contraintes comme le budget, l’agenda – encore plus s’il a plusieurs abonnements – ou la volonté de venir au minimum à deux. Ces contraintes sont déterminantes pour son choix et sa prise d’abonnement. Elles influent totalement sur cet instant. Les structures culturelles jouent un rôle là-dedans et rajoutent certaines contraintes par exemple en fonction du temps entre la présentation de saison et l’ouverture de l’abonnement. Si des théâtres laissent aux abonnés le temps de faire leur choix d’autres préfèrent fusionner les deux laissant seulement quelques heures de réflexion.

Festival d’Avignon : les complexités du teaser

Et voilà presque fraîchement revenue du Festival d’Avignon, où j’y travaillais pour l’Occitanie fait son cirque en Avignon, j’ai pu observer de nombreuses pratiques lors de ce festival et m’enrichir de ces observations par rapport au teaser de spectacle vivant.

En effet, si je n’ai pas assisté directement à la pratique de visionnage de teaser de spectacle vivant, j’ai quand même pu constater notamment sur les réseaux sociaux la circulation de ce support et que c’est un contenu qui intéresse. Ensuite, dans le cadre de mon stage, j’ai été moi-même confrontée à la création d’un teaser qui combinait des extraits des teasers des spectacles programmés. L’idée était à partir du teaser d’un spectacle d’en extraire quelques secondes sans trop en dévoiler. Il s’avère que j’ai pu ainsi visionner plusieurs fois les teasers ce qui m’a donné un avis sur les spectacles qui allaient être joués. Or, une fois avoir vu les spectacles, il s’est avéré que mon avis changeait et parfois de loin. Ainsi, comme j’ai pu le soulever lors des entretiens pour mon mémoire, la représentativité d’un teaser par rapport au spectacle est un point essentiel à discuter.

Chaque année, le festival d’Avignon réalise une étude des publics en envoyant un long questionnaire en ligne, en le remplissant, j’ai notamment pu voir quelques questions en relation avec la pratique du visionnage de teaser. J’ai moi-même réaliser un questionnaire court à destination des professionnels pour en savoir + sur leurs pratiques, il s’avère que pour le moment le visionnage de teaser arrive dans les premiers outils utilisés pour choisir un spectacle au côté du site internet, du programme de notre lieu ou du OFF.

De ce fait, on peut conclure que le visionnage de vidéos comme les teasers recouvrent une certaine complexité dans sa pratique. C’est intéressant à étudier notamment parce que c’est une pratique qui tend à se développer puisque l’attrait pour les vidéos de manière générale est grandissant.

Rencontre avec Pascal Bouchez

Aujourd’hui, j’ai rencontré Pascal Bouchez au théâtre du Nord.

Auteur de l’ouvrage « Filmer l’éphémère. Récrire le théâtre (et Mesguich) en images et en sons. », il s’interroge sur la possibilité de filmer le théâtre, et la finalité de cette pratique.

Dans les années 90, il a travaillé en tant que réalisateur au pôle vidéo du théâtre nationale de Lille, à l’époque appelé La Métaphore. Il a pu développer plusieurs activités autour de l’exploitation des vidéos de spectacle : création, recherche, archivage et formation.

Suite à la volonté du directeur de l’époque, et toujours dans sa démarche d’archivage, le théâtre va diffuser sur un écran dans le hall une rétrospective de la saison passée.

Précurseur, de cette pratique aujourd’hui de plus en plus courante, Pascal Bouchez ne développe pas l’aspect promotionnel et encore moins de médiation de ces vidéos « teasers ». C’est ainsi dans une idée de continuité que mon article de recherche va se construire.

Un pas de côté : notre rapport à l’écran

Je fais un petit pas de côté par rapport à mon sujet de mémoire pour parler d’un sujet qui me tient à cœur et qui m’interpelle.

Habituée des salles de spectacle, je ne peux que constater la forte utilisation du téléphone portable lors d’un spectacle vivant, que ce soit pour prendre des photos ou des vidéos ou encore des snaps. Cette pratique souvent interdite n’empêche pas les spectateurs de l’enfreindre bien au contraire. Mais pourquoi ?

Si je peux comprendre la volonté de vouloir garder un souvenir, je ne comprends pas l’utilisation de cet écran tout le long du show. Pourquoi regarder le spectacle au travers un écran ? Dans ce cas-là pourquoi ne pas regarder simplement le DVD ? Cela coûtera moins cher… Alors oui, il n’y a pas l’ambiance mais ces spectateurs profitent ils vraiment de cet aspect ? Pourquoi réduire sa vision a un petit format et faire abstraction du hors champs de l’écran ?

Ces photos et vidéos sont stockés mais combien de fois sont ils regardés ? Autant de questions qui me laisse perplexe face à cette pratique.

Article de recherche : résumé

En vue de l’écriture de mon article de recherche, faisant office de mémoire pour ma deuxième année de master, j’ai écrit un résumé.

Titre : La vidéo comme outil de médiation pour les abonnés de théâtre

Dans une perspective patrimoniale, le numérique et l’audiovisuel ont permis de repenser la notion d’archivage et de conservation des œuvres du spectacle vivant. De nombreux projets tels que le logiciel Rekall ou encore Spectacle en lignes entendent favoriser de nouveaux usages de la vidéo en amont ou en aval du spectacle vivant : support d’appui pour les régies techniques afin de faciliter la reproduction d’une œuvre, outil promotionnel pour les programmateurs de spectacle, ou encore dispositif de médiation pour les publics. Ce sont autant de manière de convoquer cet outil audiovisuel. Il sera ici question dans un premier temps d’interroger l’usage renouvelé de la vidéo à  la frontière de la promotion et de la médiation. L’étude s’appuiera sur les vidéos mises à disposition sur le site internet du Colisée, théâtre de Roubaix, du Théâtre du Nord ou encore du TnBA – Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine. La diffusion de cet outil numérique vient s’articuler avec de nombreux supports déjà existants tels que la traditionnelle brochure de saison, sacrée pour le public ; pouvant selon Serge Chaumier et François Mairesse constitué un réel support de médiation. Ainsi, la profusion de documents intermédiaires pour faciliter l’appropriation du théâtre interroge la place laissée à l’imaginaire et les formes de médiation. De ce fait, à partir d’une typologie des vidéos proposées, on sera amené à questionner ce support pouvant être pensé comme une passerelle entre l’œuvre et le public, notamment lorsque celle-ci rend compte de la parole du metteur en scène au travers d’une interview. Une typologie des théâtres sera également nécessaire pour comprendre le logique d’offre dans laquelle s’inscrivent ces vidéos. Enfin, la proposition aura pour finalité de porter un regard sur l’apport de la vidéo aux abonnés de plus de 50 ans. Partant du même constat que Philippe Cibois, sur l’hétérogénéité des abonnés de théâtre, il semblait pertinent d’interroger cette cible à priori captive pour comprendre cette pratique du visionnage de vidéos. Des entretiens ont été menés pour appuyer cette étude et mettre en évidence les instants T où les vidéos sont convoqués durant leurs parcours de spectateur avec comme point de départ la prise d’abonnement.

Qu’en pensez-vous ?

A l’origine, la captation vidéo d’un spectacle a émané d’une volonté d’archivage mais aussi comme moyen pour l’équipe technique de mieux se préparer à la venue du spectacle. En effet, l’équipe peut bien observer les changements de décor, de lumière, etc. qu’il faudra effectuer pour une meilleur reproduction de l’œuvre quelque soit l’endroit. Ensuite, la matière produite par cette captation vidéo s’est vu utilisée pour créer des teasers ou de courts extraits dans le but de promouvoir le spectacle auprès des programmateurs. Mais n’y a t’il pas une contradiction ? Comment un spectacle vivant peut il être retranscrit dans un format vidéo ? N’y a t’il pas une contradiction avec la définition même du spectacle vivant…

C’est ce que Pascal Bouchez va expliciter dans ses travaux : voir l’article « Rencontre avec Pascal Bouchez ».

Quand la pub et les BA s’invitent au théâtre

Depuis l’automne dernier, 17 salles privées diffusent en alternance de la publicité et des bandes-annonces avant la pièce, le tout n’excédant pas 4 minutes. Si certains s’offusquent d’autres s’en réjouissent. Et vous qu’en pensez- vous ?

Cette pratique ne concerne pour le moment que le secteur privé, on peut s’attendre à la retrouver prochainement dans le secteur public.

D’ailleurs, depuis septembre 2017, au Colisée théâtre de Roubaix, on peut voir sur l’écran situé à l’entrée de la salle les bandes-annonces des spectacles à venir. Si cet écran a été installé dans le but de faire patienter les retardataires en projetant le spectacle qui s’y déroule, il a très vite été utilisé pour un usage promotionnel. A quand la publicité ?

Sources :

https://www.franceinter.fr/emissions/le-billet-de-francois-morel/le-billet-de-francois-morel-22-septembre-2017

http://www.huffingtonpost.fr/2017/09/15/des-ecrans-de-quatre-minutes-de-publicite-dans-dix-sept-salles-de-theatre-des-novembre_a_23210228/

http://www.telerama.fr/scenes/au-theatre-bientot-de-la-pub-en-lever-de-rideau,160751.php

http://www.20minutes.fr/culture/2105199-20170717-publicite-invitera-bientot-salles-theatre